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Le conseil privé, so british !

En Écosse, comme pour l’ensemble du Royaume-Uni, les exploitations agricoles sont étendues et peu diversifiées, et les agriculteurs très individualistes à la recherche de la moindre économie.

Au Royaume-Uni, pas de loi sur la séparation de la vente et du conseil, mais une concurrence féroce qui a redessiné le paysage de la distribution agricole. D’un côté, un conseil privé puissant incarné par des agronomes comme Allen Scobie, de l’autre, des distributeurs agricoles acculés sur la vente d’intrants mais qui s’adaptent, tels Crop Services Scotland.

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La distribution agricole outre-Manche présente une organisation et une réalité différentes de son homologue française. Cela est dû à des différences de structures d’exploitation et de mentalité : des fermes plus grandes (200 hectares de moyenne), des agriculteurs très individualistes avec peu ou aucune fidélité, pas de Cuma et surtout une recherche de la moindre économie. Les exploitations sont très peu diversifiées dans les énergies renouvelables ou autres sources de revenu hors agriculture et dont l’une des principales difficultés est la lutte contre les résistances, bien plus qu’en France.

Un tournant majeur

Un évènement primordial, dans les années 1980, a bouleversé le paysage du conseil agricole, de la vente d’intrants et de la collecte, avec le dépôt de bilan d’une importante coopérative agricole britannique, impactant la trésorerie de nombreuses exploitations. Les agriculteurs, déjà naturellement méfiants et indépendants, ont décidé d’abandonner pour la plupart le système coopératif, devenu quasiment absent du paysage et qui garde comme reliquat la coopérative écossaise East of Scotland Farmers.

La concentration des acteurs a suivi avec une concurrence impitoyable. « Le conseil est le centre des débats », affirme Allen Scobie, animateur d’un groupe de 35 agriculteurs pour 24 000 hectares et ancien président de l’AICC, le puissant syndicat des conseillers privés anglais. « Quand vous maîtrisez l’apport du conseil dans une exploitation, vous devenez la référence. Nous sommes les garants de la bonne gestion des intrants et donc de la rentabilité de la ferme. » Comme l’État a laissé faire sur le sujet, le conseil agronomique privé s’est développé de façon fulgurante pour se stabiliser à 50 % du marché. Fort de plus de 200 conseillers privés, le Royaume-Uni fait figure de référence.

Le conseiller indépendant Allen Scobie est certain que la maîtrise des coûts passe par un conseil agronomique privé. (© C. DEQUIDT)

Les distributeurs se sont alors adaptés et concentrés pour survivre. Sans abandonner totalement une branche conseil, la grande majorité s’est spécialisée soit dans la vente d’intrants, comme Agrii, Hutchinson et Agravista, soit dans l’achat des récoltes, principalement des spéculateurs ou des industriels de la meunerie ou du malt. Le puissant Frontier a toutefois, lui, gardé à la fois la vente d’intrants et la collecte. Il reste quatre acteurs d’envergure nationale et de nombreuses petites entreprises plus locales, regroupés au sein du Crest Group.

Des achats à la carte

Russell Black, agriculteur à la tête de 200 hectares, incarne cet attrait pour le conseil agronomique privé. « Je fais confiance à Allen Scobie qui, en plus, m’aide dans la vente de mes récoltes, car les indépendants sont beaucoup plus souples et adaptables que les conseillers des grandes entreprises qui vous enferment trop souvent dans un programme en début de campagne. Je lui achète un service complet où il intervient, au moins une fois par mois, avec une permanence téléphonique, pour 15 €/ha. Il organise des essais pour notre groupe d’agriculteurs et nous réunit tous deux fois dans l’année, notamment pour comparer nos résultats et nos marges. »

Sur les intrants, Russell Black avoue une certaine fidélité pour ses engrais auprès de Frontier, car l’entreprise lui a mis à disposition gratuitement des capacités de stockage, et pour ses semences auprès d’Agrovista, qui lui donne des comparaisons intéressantes. Pour le reste, il va au plus offrant en fonction des analyses de son conseiller privé. « J’ai bien essayé les ventes sur internet, mais cela ne m’a pas vraiment plu et j’ai abandonné. Demain, il est possible que j’aille chez un “buyer group” pour me faciliter la vie. »

Pour s'assurer de conserver leur clientèle, les distributeurs classiques, comme Frontier, n’hésitent pas à mettre à disposition des cuves d'engrais liquides dans les fermes. (© C. DEQUIDT)

Rendu culture

Il n’a pas, non plus, été tenté par l’offre de vente d’intrants rendu racine, où le distributeur se charge de l’épandage ou du semis avec son propre matériel. Pourtant cette offre, lancée par Agrii puis reprise par d’autres, trouve preneur. « Mes clients sont très satisfaits, car ils n’ont pas à faire l’investissement ou le renouvellement de leur matériel, rapporte Grant Stephen, patron de Crop Services Scotland. La prestation est comprise dans le prix d’achat de leurs intrants. Ma clientèle est plutôt constituée d’exploitations de petites tailles qui n’ont ni le personnel ni le fonds de roulement pour se préoccuper du matériel. »

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